Boulevard Aragon
On y voit une rose morte
Sur un rosier tellement vivant
Et dont la sève est tellement forte
Qu'y fleurit la rose des vents.
On y croise un regard superbe
Un doux regard déjà éteint
Qu'aucun poète, fumeur d'herbe,
N'apercevra dans ses lointains.
On y lit l'avenir des hommes
Sur des affiches de couleurs
Un avenir immense comme
La seconde après la douleur.
Le malheur au malheur ressemble
Il est profond, profond, profond,
Courons l'ensevelir ensemble
Sur le Boulevard Aragon.
Personne n'est surnuméraire
Tout le monde est inespéré
Tu l'as dit en prenant, mon frère,
La voix Ferrat, la voix Ferré.
Un jour, la guerre, vieux fantôme,
N'excitera plus les vautours
Et le vertige de l'atome
Se désintégrera un jour.
On saura voir au clair de l'âme
La transparence de la peau.
On jettera les oriflammes,
On rassemblera les drapeaux.
Un jour, un jour, demain peut-être
Un enfant fou aura raison
Et cet enfant pourrait bien naître
Sur le Boulevard Aragon.
Sur le silence de ta tombe,
Louis, l'absence fait semblant
Et parfois, quand la neige tombe,
Je crois revoir tes cheveux blancs
Envers et contre les rapaces
Je chante pour passer le temps
Et je me fous du temps qui passe
Seul ce qui reste est important.
Plus tard, bien plus tard, quand les fleuves
Iront vers le bon océan
- A moins que l'on ait fait la preuve
De l'existence par le néant -
Nous irons boire à la fontaine
Un vin qui portera ton nom
Et les auberges seront pleines
Sur le Boulevard Aragon.
Bulevar Aragón
En él se ve una rosa muerta
En un rosal tan vivo
Y cuya savia es tan fuerte
Que florece la rosa de los vientos.
En él nos encontramos con una mirada magnífica
Una dulce mirada ya apagada
Que ningún poeta, fumador de hierba,
Verá en sus lejanías.
En él se lee el futuro de los hombres
En carteles de colores
Un futuro inmenso como
El segundo después del dolor.
La desgracia se asemeja a la desgracia
Es profunda, profunda, profunda,
Corramos a enterrarla juntos
En el Bulevar Aragón.
Nadie es superfluo
Todos son inesperados
Lo dijiste tomando, hermano mío,
La voz de Ferrat, la voz de Ferré.
Un día, la guerra, viejo fantasma,
Ya no excitará a los buitres
Y el vértigo del átomo
Se desintegrará algún día.
Sabremos ver en el claro del alma
La transparencia de la piel.
Arrojaremos las banderas,
Reuniremos las banderas.
Un día, un día, quizás mañana
Un niño loco tendrá razón
Y ese niño bien podría nacer
En el Bulevar Aragón.
Sobre el silencio de tu tumba,
Louis, la ausencia finge
Y a veces, cuando cae la nieve,
Creo ver tus cabellos blancos.
Contra los rapaces
Canto para pasar el tiempo
Y me importa un comino el tiempo que pasa
Solo lo que queda es importante.
Más tarde, mucho más tarde, cuando los ríos
Fluyan hacia el buen océano
- A menos que hayamos demostrado
La existencia a través de la nada -
Iremos a beber en la fuente
Un vino que llevará tu nombre
Y las posadas estarán llenas
En el Bulevar Aragón.