Orly

Ils sont plus de deux mille, et je ne vois qu'eux deux
La pluie les a soudés, semble-t-il, l'un à l'autre
Ils sont plus de deux mille et je ne vois qu'eux deux
Et je les sais qui parlent, Il doit lui dire: Je t'aime
Elle doit lui dire: Je t'aime

Je crois qu'ils sont en train de ne rien se promettre
Ces deux-là sont trop maigres, pour être malhonnêtes
Ils sont plus de deux mille, et je ne vois qu'eux deux
Et brusquement ils pleurent, Ils pleurent à gros bouillons

Tout entourés qu'ils sont d'adipeux en sueur
Et de bouffeurs d'espoir qui les montrent du nez
Mais ces deux déchirés, superbes de chagrin
Abandonnent aux chiens l'exploir de les juger
La vie ne fait pas de cadeau!

Et nom de Dieu que c'est triste
Orly le dimanche, avec ou sans Bécaud!
Et maintenant ils pleurent, je veux dire tous les deux
Tout à l'heure c'était lui lorsque je disais il
Tout encastrés qu'ils sont ils n'entendent plus rien que les sanglots de l'autre

Et puis, infiniment, comme deux corps qui prient
Infiniment lentement ces deux corps se séparent
Et en se séparant ces deux corps se déchirent
Et je vous jure qu'ils crient, et puis ils se reprennent
Redeviennent un seul, redeviennent le feu

Et puis se déchirant se tiennent par les yeux
Et puis en reculant, comme la mer se retire
Ils consomment l'adieu ils bavent quelques mots
Agitent une vague main, et brusquement ils fuient
Fuient sans se retourner, et puis il disparaît bouffé par l'escalier

La vie ne fait pas de cadeau!
Et nom de dieu que c'est triste
Orly le dimanche, avec ou sans Bécaud!
Et puis il disparaît, bouffé par l'escalier et elle
Elle reste là, coeur en croix, bouche ouverte, sans un cri, sans un mot
Elle connaît sa mort, elle vient de la croiser

Voilà qu'elle se retourne et se retourne encore
Ses bras vont jusqu'a terre, ça y est, elle a mille ans
La porte est refermée, la voilà sans lumière
Elle tourne sur elle-même et déjà elle sait qu'elle tournera toujours
Elle a perdu des hommes mais là elle perd l'amour

L'amour le lui a dit, revoilà l'inutile
Elle vivra de projets qui ne feront qu'attendre
La revoilà fragile avant que d'être à vendre
Je suis là je la suis
Je n'ose rien pour elle, que la foule grignote comme un quelconque fruit

Orly

Son más de dos mil, y solo los veo a dos
La lluvia los ha soldado, parece, el uno al otro
Son más de dos mil y solo los veo dos
Y conozco a los que hablan, debe decirle: te amo
Ella debe decirle: te amo

Creo que no se prometen nada
Estos dos son demasiado delgados para ser deshonestos
Son más de dos mil, y solo los veo a dos
Y de repente lloran, lloran fuerte

Rodeado de grasa sudorosa
Y de bocanadas de esperanza que les muestran la nariz
Pero estos dos destrozados, soberbios de pena
Abandona a los perros para intentar juzgarlos
¡La vida no hace un regalo!

Y maldita sea, es triste
¡Orly el domingo, con o sin Bécaud!
Y ahora están llorando, quiero decir ambos
Antes era él cuando le dije que
Tan incrustados como están, no escuchan más que los sollozos del otro

Y luego, infinitamente, como dos cuerpos que rezan
Infinitamente lento, estos dos cuerpos se separan
Y al separar estos dos cuerpos se separan
Y juro que gritan, y luego se levantan
Vuelve a ser uno, vuelve a ser fuego

Y luego desgarrándose unos a otros por los ojos
Y luego retrocediendo, mientras el mar retrocede
Consumen la despedida, babean algunas palabras
Agita una mano vaga, y de repente se escapan
Huye sin darse la vuelta, y luego desaparece hinchado por las escaleras

¡La vida no hace un regalo!
Y maldita sea, triste
¡Orly el domingo, con o sin Bécaud!
Y luego desaparece, comido por las escaleras y ella
Ella se queda allí, con el corazón cruzado, la boca abierta, sin un grito, sin una palabra
Ella sabe de su muerte, la acaba de conocer

Ahora ella gira y gira de nuevo
Sus brazos caen al suelo, eso es todo, ella tiene mil años
La puerta está cerrada, ahí está sin luz
Se enciende y ya sabe que siempre girará
Ella perdió hombres pero allí pierde amor

El amor le dijo, aquí está lo inútil
Ella vivirá en proyectos que solo esperarán
Aquí es nuevamente frágil antes de ser vendido
Estoy ahí estoy
No me atrevo nada por ella, que la multitud mordisquee como cualquier fruta

Composição: Jacques Brel