395px

Para las madres solteras

Paul Dalbret

Pour les filles-mères

Elle était bonne dans un p'tit restaurant
Croyant encore l'amour des hommes sincère
Elle devint la maîtresse d'un client
Qui disparut la voyant près d'être mère

Les habitués disaient d'un ton narquois
"C'est épatant c' que la bobonne profite
Ici, l'on mange des plats de premier choix
L'air de Paris fait engrosser la p'tite'

Lorsqu'elle ne put cacher sa position
L' patron lui dit, étranglant de colère,
"Vous avez mis la honte dans ma maison
Fichez-moi le camp, je ne veux pas d'une fille-mère !"

Etant sans ressource, à la maternité,
Elle vint demander, le cœur gros de souffrance,
Si l'on pouvait la prendre par charité
Pendant quelque temps avant sa délivrance

"V'nez dans deux mois" lui répond l'employé
"Lorsque viendra votre poupon qui est en route,
L'on vous gardera pendant trois jours entiers,
C'est bien assez pour le prix qu' ça vous coûte !"

Dans d'autres asiles on lui dit brusquement
"Vous n'êtes pas de Paris, ça, c'est une autre affaire,
Adressez-vous à votre département,
Nous ne pouvons pas nous charger des filles-mères"

Les ironies de l'Administration
Faisaient saigner le cœur de la pauvre gosse
Et les voyous, sans aucune compassion,
Passaient près d'elle en riant de sa bosse

À la mairie, elle vint demander un secours
L' chef de bureau lui dit d'un ton farouche
"Vous êtes trop pressée, repassez donc un d' ces jours
Quand vous serez relevée de vos couches

Si vous gardez votre enfant avec vous
On vous donnera des langes et une brassière,
Un beau berceau d'osier de vingt-neuf sous
Et puis dix francs, c'est l' tarif des filles-mères"

Elle se dit "J' vais r'tourner voir mes vieux,
P't-être qu'au village on s'ra plus charitable"
Sans rien manger, les larmes plein les yeux,
Elle fit à pied la route interminable

En arrivant sur la Grand-Place, elle vit
Monsieur le maire discourant d'une voix forte
On couronnait la rosière du pays
À bout de forces, la fille-mère tomba morte

Avant d' chercher à donner de l'argent
Pour couronner la vertu des rosières,
Puisque la France réclame des enfants
Donnez d'abord du pain aux filles-mères !

Para las madres solteras

Ella era buena en un pequeño restaurante
Aún creyendo en el amor sincero de los hombres
Se convirtió en la amante de un cliente
Que desapareció al verla cerca de ser madre

Los habituales decían con tono burlón
'Es genial cómo la chica se aprovecha
Aquí se comen platos de primera calidad
El aire de París hace engordar a la pequeña'

Cuando no pudo ocultar su condición
El dueño le dijo, estrangulado de ira,
'Has traído vergüenza a mi casa
¡Lárgate, no quiero a una madre soltera!'

Sin recursos, en la maternidad
Ella vino a pedir, con el corazón lleno de dolor,
Si podían acogerla por caridad
Por un tiempo antes de su parto

'Venga en dos meses', le respondió el empleado
'Cuando llegue su bebé que está en camino,
La tendremos por tres días completos,
¡Es suficiente por el precio que le cuesta!'

En otros lugares le dijeron bruscamente
'No es de París, eso es otro asunto,
Diríjase a su departamento,
No podemos hacernos cargo de las madres solteras'

Las ironías de la Administración
Hacían sangrar el corazón de la pobre chica
Y los matones, sin ninguna compasión,
Pasaban junto a ella riéndose de su barriga

En la alcaldía, pidió ayuda
El jefe de oficina le dijo con rudeza
'Está demasiado apurada, vuelva otro día
Cuando se haya recuperado de su parto

Si se queda con su hijo
Le daremos pañales y una camiseta,
Una bonita cuna de mimbre por veintinueve sueldos
Y luego diez francos, ese es el precio de las madres solteras'

Ella pensó 'Voy a volver a ver a mis padres,
Quizás en el pueblo sean más compasivos'
Sin comer nada, con los ojos llenos de lágrimas,
Caminó la interminable carretera

Al llegar a la Plaza Mayor, vio
Al alcalde hablando con voz fuerte
Coronaban a la reina del país
Agotada, la madre soltera cayó muerta

Antes de buscar dar dinero
Para coronar la virtud de las reinas,
Ya que Francia reclama niños,
¡Den primero pan a las madres solteras!

Escrita por: