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La hinchada

Sarclo

La gonflée

Au fond de la salle enfumée
Ce soir au café des Amis
Ils sont deux, la trogne allumée
Autour d'un cinquième demi
Deux qui discutent et se regardent
Dans le blanc des yeux en trinquant
Dans une odeur de corps de garde
Café, tabac, fondue, vin blanc
Il est tard, le patron somnole
Sur la Julie... - c'est son journal
Eux reboivent et la parole
Leur vient parfois tant bien que mal
A ce moment de la soirée
Ils en sont au quart de gonflée

Le moustachu râcle sa gorge :
- Dis voir... - Quoi ? - J'ai revu Pittet
- Quel Pittet ? - Le petit de Morges
Il déménage à Terittet
- Pas possible ! Pittet, le Jules ?
- Ouais. C'est comme j'te l'dis
- Je croyais qu'il partait pour Bühl
- Non. Ca, c'est Pillichody
- Lequel ? Le caissier d'la Lyre ?
- Non, son cousin, de Champittet
- Mais c'est tout faux, tu viens d'le dire !
Il déménage à Terittet
A ce moment de la soirée
C'est déjà la demi-gonflée !

- C'est Pittet, bougre d'imbécile !
Le fourrier d'la Trois-du-Neuf
- Le mari à la grosse Cécile ?
- Mais pas du tout, le Jules est veuf
- J'avais confondu, j'm'excuse
Car à la Trois-du-Sept dans l'temps
Pillichody si je n'm'abuse
A eu été je crois, sergent
- Mais au nom du Ciel
Que vient faire la Trois-du-Sept ?
Que c'est Pittet Jules, fourrier ou militaire
Qui déménage à Territet
A ce moment de la soirée
Voilà les trois quarts de gonflée

- C'est possible, mais je répète
Que mon Pillichody à moi
Est sergent à la Trois-du-Sept
Je le vois comme je te vois
Un grand fort, avec des moustaches
- Mais je me fous de ton sergent
Borde-sac ! - Bougre de vache !
Faudrait pas insulter les gens !
- Malhonnête ! - Quoi ? - Malhonnête !
- Redis-le-moi ! - Je le redis
- Je me retiens - Et moi j'répète
Que j'me fous d'Pillichody !
A ce moment de la soirée
C'est vraiment la pleine gonflée !

Mais au sommet de la querelle
Quand les poings se font menaçants
Comme ils ont les jambes en flanelle
Les voilà rassis sur leur banc
On retrinque : "Minuit qui sonne -
Charrette, on est foutu, le train !"
Ils sont pleins comme des bonbonnes
Adieu donc, serrons-nous la main !
- Qui es-tu ? - M'en vais à Bühl
Pillichody, de Champittet
Et toi ? - Moi ? Je suis Pittet Jules
Je déménage à Territet !

La hinchada

Al fondo de la sala llena de humo
Esta noche en el café de los Amigos
Son dos, con la cara encendida
Alrededor de una quinta copa
Dos que discuten y se miran
En lo blanco de los ojos brindando
En un olor a cuartel
Café, tabaco, fondue, vino blanco
Es tarde, el dueño cabecea
Sobre la Julie... - es su periódico
Ellos vuelven a beber y la palabra
Les viene a veces como pueden
En este momento de la noche
Están en el cuarto vaso lleno

El bigotudo se aclara la garganta:
- Oye... - ¿Qué? - Vi a Pittet de nuevo
- ¿Qué Pittet? - El pequeño de Morges
Se muda a Terittet
- ¡No puede ser! ¿Pittet, el Jules?
- Sí. Es como te lo digo
- Pensé que se iba a Bühl
- No. Eso es Pillichody
- ¿Cuál? ¿El cajero de la Lyre?
- No, su primo, de Champittet
- ¡Pero eso es todo falso, acabas de decirlo!
Se muda a Terittet
En este momento de la noche
Ya es la mitad llena

- ¡Es Pittet, maldito imbécil!
El intendente de la Trois-du-Neuf
- ¿El esposo de la gorda Cécile?
- ¡Pero para nada, Jules es viudo!
- Me equivoqué, lo siento
Porque en la Trois-du-Sept en ese tiempo
Pillichody si no me equivoco
Fue, creo, sargento
- ¡Pero por el amor de Dios!
¿Qué tiene que ver la Trois-du-Sept?
Que Pittet Jules, intendente o militar
Se muda a Territet
En este momento de la noche
Ya son tres cuartos llenos

- Es posible, pero repito
Que mi Pillichody
Es sargento en la Trois-du-Sept
Lo veo como te veo
Un tipo grande, con bigotes
- Pero me importa un bledo tu sargento
¡Maldita sea! - ¡Maldito sea!
¡No hay que insultar a la gente!
- ¡Desvergonzado! - ¿Qué? - ¡Desvergonzado!
- ¡Dímelo de nuevo! - Te lo repito
- Me estoy conteniendo - Y yo repito
¡Que me importa un comino Pillichody!
En este momento de la noche
Es realmente la copa llena

Pero en lo más álgido de la pelea
Cuando los puños se vuelven amenazantes
Como tienen las piernas de gelatina
Ahí están sentados de nuevo en su banco
Brindamos: "Suena la medianoche -
Estamos jodidos, se acabó el tren"
Están llenos como botellas de gas
Adiós entonces, ¡apretemos la mano!
- ¿Quién eres tú? - Me voy a Bühl
Pillichody, de Champittet
¿Y tú? - ¿Yo? Soy Pittet Jules
¡Me mudo a Territet!

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